About Zepless (in french)

“La musique de Zepless, basée uniquement sur des morceaux de Led Zeppelin réarrangés par et pour ce duo, a déjà le mérite de tourner notre attention vers un autre répertoire.J’ai pour ma part poussé le vice à faire une écoute comparative, passant la version du légendaire groupe de rock avant chaque titre. J’y ai redécouvert la voix singulière de Robert Plant et l’omniprésente guitare de Jimmy Page – la guitare avec un grand G, à laquelle ce répertoire n’est autre qu’une ode. Remercions donc Zepless, qui nous redonne à goûter ces chansons puissantes, évocatrices, qui nous les donne à entendre à nouveau surtout parce qu’elle en propose des reprises réussies, c’est-à-dire en juste équilibre entre l’hommage que l’on souhaite faire et l’appropriation nécessaire à toute création.

Ici, le dirigeable a perdu du lest : plus de guitare électrique hurlant sous les baffes de la batterie, mais une formule en duo qui met en avant le côté acoustique du zeppelin. Dès l’introduction de That’s the way, un accord égrené, semé d’une harmonique, on sent qu’un vent plus doux pousse le ballon, qu’une autre plante à supplanté Robert pour glisser cette septième majeure très glamour. La chanson parle du garçon d’à côté, « in the darker side of town », qui laisse pousser ses cheveux et embrasse de petites fleurs. Les allers-retours du médiator nous donnent avec leur grain une dynamique qui ne faiblit pas. Les cordes à vide sont la poussière d’une route qui semble ne jamais devoir finir, sentiment accentué par une jolie petite coda scatée.

Hormis quelques passages comme celui-ci, le texte sert de puissant fil conducteur, dont les vers inégaux se prêtent à l’interprétation, et dont les paroles sont pour beaucoup dans les différentes atmosphères. Ainsi, dans Ramble on, on passe d’un couplet indolent (« sometimes I grow so tired ») et débauché (« and to our health we drank a thousand times ») à un refrain énergique, habilement tourné en un cinq temps tout à fait naturel, ostinato qui donne même l’occasion d’une petite jam à l’épure slapée.

On apprécie la délicatesse de Tom Brunt, qui choisit avec soin ses voicings, et est dans The Rain Song à la fois bourdon grave, ruche des accords, miel brillant et envol mélodique à la top note bluesy. Le duo parvient ici très bien à créer une forme de nostalgie, une saison en chassant une autre, avant de profiter de l’injonction du troisième couplet, « talk, tak, talk ! » pour faire monter la sauce.

Rythmes, teintes vacillant entre majeur et mineur, tout colle aux émotions des personnages dont on raconte l’histoire, aux doutes de ce condamné qui dans Gallows Pole essaie d’attendrir le bourreau avec l’argent de son frère, et la douceur de sa sœur.

Zepless tire donc parti du dit comme du non-dit, de ces fins qu’on ne raconte pas, de l’espoir qui nous fait aller en Californie pour essayer de trouver cette fille qui a « de l’amour dans les yeux, et des fleurs dans les cheveux », de l’espoir qu’on prend à force de chanter ces mélodies perçantes avec des inflexions proches de la ballade.Je conseillerais donc à ceux qui comme moi font semblant de parler anglais de jeter un œil à une traduction en ligne, ou au texte écrit pour ne pas perdre une miette de ces paroles parfois joliment obscures :

« These are the seasons of emotion and like the winds they rise and fall. This is the wonder of devotion. I see the torch we all must hold. This is the mystery of the quotient. Upon us all a little rain must fall. Just a little rain… »
(Ce sont les saisons de nos sentiments et, comme les vents, elles se soulèvent et retombent. C’est la merveille du dévouement. Je vois le flambeau que nous avons tous à porter. C’est le mystère du quotient. Sur nous tous, une petite pluie doit tomber.Juste une petite pluie…)”

Zepless
SEASONS OF EMOTION
Tom Brunt : guitares à 6 et 12 cordes.
Joanne Gaillard : chant.
Enregistré en avril et juin 2013 à Lausanne et Genève.
Mixage par les élèves du CFMS.
www.zepless.com

Nicolas Lambert
VIVA LA MUSICA n° 353, novembre 2014